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Rénovation énergétique : quels impacts réglementaires transversaux ?

François Geney
François Geney – Directeur Technique d’Alpes Contrôles

 

 

Le plan de relance économique du Gouvernement, présenté en septembre 2020, développe un volet sur la rénovation énergétique des bâtiments. Toutefois, ces travaux de rénovation ne doivent pas être uniquement considérés sous l’angle de la performance énergétique. D’autres aspects règlementaires transversaux sont à prendre en compte. François Geney, Directeur Technique chez Alpes Contrôles, nous éclaire sur le sujet. 

 

 

Quels peuvent-être les impacts de la rénovation énergétique sur les autres aspects réglementaires auxquels est soumis un bâtiment ?  

 

La rénovation énergétique d’un bâtiment peut concerner son enveloppe, ses systèmes de  production de chaleur et de froid, ses  réseaux, sa  ventilation, ses systèmes de  régulation, etc. Chaque technique employée peut interférer sur le respect du code de la construction et de l’habitation. Les acteurs doivent donc concevoir et exécuter ces travaux tout en conservant la conformité du bâtiment.

 

 

Quels sont les points d’appréciation et de vigilance ?

 

Pour commencer, les ouvrages d’isolation par l’extérieur doivent résister aux efforts du vent et ne pas présenter de danger de chute en cas de séisme si applicable.

Pour les vêtures et bardages rapportés, la validité des fixations sur le support existant et la pérennité du système choisi sont primordiales. Vis-à-vis du séisme, il s’agit d’éléments non structuraux du cadre bâti qui doivent être justifiés selon la situation en application de l’arrêté du 27 octobre 2010, modifié selon le guide ENS « dimensionnement des éléments non structuraux du cadre bâti ».

Dans le cas de sur-isolation sur un système d’isolation par l’extérieur existant, une reconnaissance préalable du subjectile est à réaliser en amont dans les conditions des «  Règles professionnelles pour l’entretien et la rénovation des systèmes d’isolation thermique par l’extérieur (ETICS) »  éditées par la FFB.

Divers cahiers de prescriptions techniques du CSTB et règles professionnelles RAGE définissent les dispositions applicables aux systèmes de façades concernant leur composition et leur résistance aux effets du vent et du séisme.

Les travaux réalisés doivent évidemment respecter la réglementation contre l’incendie. La règle générale de non aggravation de la sécurité existante se décline aujourd’hui pour les façades au travers des textes réglementaires applicables en fonction de la nature du bâtiment, d’instructions techniques, et de guides. On retrouvera le guide de préconisation de Septembre 2017 « Façades béton ou maçonnées revêtues de système d’ITE par bardage rapporté ventilé » ; le guide ETICS / PSE – V2 septembre 2020 et le guide CSTB « Bois construction propagation du feu par les façades » –  V2.1 mars 2019.

 

Pour le cas particulier des Immeubles de Moyenne Hauteur (IMH), le décret du 16 mai 2019 et l’arrêté du 7 aout 2019 édictent des solutions constructives spécifiques pour la rénovation des façades. Rappelons qu’un IMH est un immeuble d’habitation dont le plancher bas du logement le plus haut est situé à plus de 28 mètres au-dessus du niveau du sol et qui n’est pas considéré comme un Immeuble de Grande Hauteur (IGH).

 

Pour les IGH, les exigences applicables sont celles de l’arrêté du 30 décembre 2011. La conformité de la solution retenue doit être attestée par un laboratoire reconnu compétent (article GH12).

 

Mais la réglementation incendie impacte toutes les autres solutions de rénovation énergétique employées, des plus importantes aux plus basiques. Par exemple, la mise en place d’un isolant au niveau des garages ou des sous-sols d’une maison individuelle doit respecter des exigences de réaction au feu ou de mise en place de dispositifs de protection.  Le « Guide de l’isolation par l’intérieur des bâtiments d’habitation du point de vue des risques d’incendie » (2016) détaille les exigences applicables à divers types d’isolants en fonction de leur situation dans le bâti. Il en est de même du remplacement de menuiseries sur un bâtiment d’habitation collectif qui peut aggraver la propagation du feu par les façades, ou du remplacement d’une chaudière. Pour cette dernière, la réglementation est complexe, et si un changement de combustible est envisagé, une étude doit être confiée à un bureau d’étude spécialisé.

 

 

Et mis à part la sécurité, cela impacte-t-il d’autres domaines ?

 

Au titre des articles R131-28-7 et R131-28-8 du code de la construction et de l’habitation, lors de travaux importants de ravalement ou de réfection de toiture, une obligation d’isolation est imposée aux bâtiments d’habitation et tertiaires (bureaux, commerces,…). La performance énergétique de ces travaux doit répondre à la réglementation thermique pour les bâtiments existants définie au R131-26 et R131-28 du code de construction et de l’habitation.

 

Lors de ces travaux, la réglementation acoustique est aussi à prendre en compte dans les solutions retenues, en particulier en ce qui concerne l’isolation aux bruits extérieurs lors des travaux d’isolation des façades par l’extérieur, des toitures et des remplacements de menuiseries, de bouches d’entrée d’air et de volets roulants. L’article R111-23-4 impose dans les situations de rénovation énergétique globale ou importante, dans certaines zones de bruit (1, 2, 3 du plan de gêne sonore d’un aéroport ou dans les zones de dépassement des valeurs limites des cartes de bruit routier et ferroviaire désignées sous l’appellation cartes « c »), la réalisation d’une étude acoustique et l’obtention d’objectifs d’isolement acoustique minimum. Ces dispositions décrites dans l’arrêté du 13 avril 2017 relatif aux caractéristiques acoustiques des bâtiments existants lors de travaux de rénovation importants, concernent les bâtiments  d’habitation, d’enseignement, d’hébergement et soins, et les hôtels. Elles peuvent être déterminantes sur le choix des solutions techniques à mettre en œuvre.

En ce qui concerne l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, le rajout de produits en parois à l’intérieur comme à l’extérieur et le remplacement de menuiseries ou d’équipements, peut impacter les dimensions des circulations, des rampes et plus globalement avoir pour effet la réduction des conditions d’accessibilité existantes des bâtiments. Pour résoudre ces situations, la réglementation spécifique  aux travaux dans des cadres bâtis existants est à appliquer aux travaux de rénovation énergétique (arrêté du 8 décembre 2014 pour les Etablissements Recevant du Public (ERP), articles R111-18-8 et R111-18-9 du Code de la construction et de l’habitation pour les bâtiments d’habitation).

 

 Quid des bâtiments tertiaires ?

 

Le décret « tertiaire », paru en juillet 2019 impose des actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans les bâtiments tertiaires, de plus de 1000 m² de plancher. Il fixe des objectifs de réduction de consommation énergétique au travers de bouquets d’actions pouvant porter sur la performance énergétique, les équipements, l’exploitation et la gestion, etc…

Pour ce type de bâtiments courants, les points de vigilance sont les mêmes que ceux cités ci-avant, avec un bémol sur le risque incendie sur les façades, pour lequel la section applicable du Code du travail ne définit aucune disposition particulière pour les bâtiments courants. Seule la préservation des conditions éventuelles d’isolement par rapport aux tiers et d’accès des secours devra être analysée.

 

Comment aborder ces aspects parfois complexes ?

 

Le propriétaire qui envisage une rénovation énergétique va devoir s’entourer de façon plus ou moins importante de professionnels de la rénovation de bâtiment, dont la qualification doit être adaptée à la nature des travaux. Cela peut aller de l’artisan qualifié Reconnu Garant de l’Environnement (RGE) pour les opérations simples et intégrées dans le cadre de MaPrimeRénov’ ou de travaux éligibles aux Certificats d’Economies d’Energie (CEE) – notamment aux chartes coup de pouces « isolation » et « rénovation énergétique globale » – jusqu’à une équipe complète, composée d’un architecte et de bureaux d’étude à même d’aborder l’ensemble des sujets cités ci-dessus. En parallèle, différents dispositifs de contrôles indépendants sont mis en place soit de façon obligatoire, soit pour permettre l’assurabilité des travaux, soit de façon volontaire pour accompagner le propriétaire. On peut citer le contrôle réalisé dans le cadre de la qualification RGE des entreprises, l’inspection des travaux dans le cadre des CEE ou de MaPrimeRénov’, et le contrôle technique de construction qui peut porter sur l’ensemble des exigences citées ci-dessus.

 

 

 

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